• Elle poussa la porte de sa chambre et, comme tous les soirs, s'abattit devant son ordinateur portable. D'une main, elle posa son sac à terre alors que l'autre soulevait déjà l'écran. Elle ne perdait jamais de temps, il ne fallait pas se séparer trop longtemps des autres. Elle aurait pu se rendre compte de sa solitude. Sa veste glissa le long de son épaule gauche absorbant la main dans la manche, son index droit toucha le bouton on. Le ventilateur se mit en marche à l'instant où elle se retournait pour suspendre le tissu noir à un cintre.

    Elle s'assit l'écran à hauteur de son regard affichait un charmant papillon. Elle vit le logiciel se lançait automatiquement et lorsque la boite de conversation s'afficha elle tapa rapidement : "Enfin chez moi !" Elle ouvrit la fenêtre, attendit les réponses : jamais assez rapides, jamais assez nombreuses. Mais ce soir, cela faisait plus mal que d'habitude sans qu'elle ne sache pourquoi. Elle mit son casque, ajusta le micro et se lança sur le chan vocal. Accroupie sur sa chaise, elle attendit une accalmie pour se lancer à son tour dans le jeu du dialogue. Elle souriait. Elle écoutait et était écouté. Cela lui suffisait... Presque.

    Elle changea de channel, rejoignit un ami. Et sans qu'elle comprit pourquoi, la question dérapa : "Tu ne veux pas de réponse à cette question. Tu ne veux pas parce que tu ne comprendras pas la réponse à la question. Tu n'es pas prêt à l'entendre. Le concept de poser une question est d'être prêt à en entendre les réponses, tous types de réponses. Mais si tu la veux vraiment ta réponse : c'est mal. Je vais mal. Je vais mal parce que je suis seule, juste tellement seule. Et tu sais ce que c'est la solitude ?

    - Je pense avoir une vague idée..." Tenta-t-il, mais elle ne l'écoutait déjà plus.

    "C'est quand toutes les personnes que tu côtoies au quotidien se fiche de savoir qu'elle est la vraie réponse à la question "ça va ?". C'est quand tes interactions ne se font plus que par des écrans. C'est quand personne ne te touche, quand personne ne t'écoute, quand personne ne te parle. Et le pire, c'est que tu sais que tu ne peux pas leur en vouloir. Ils sont en vacances et comme tu le dis si bien, en vacances on délaye, on fait autre chose. Au final, on est un peu plus égoïste et c'est bien normal.

    - Arrête, s'il te plaît...

    - Mais je ne vous en veux pas. Je n'en veux à personne mais j'ai besoin de le dire. J'ai besoin de dire que quand je me lève le matin, il n'y a personne à mes côtés. Quand je me couche le soir, personne ne me dit "bonne nuit". Quand je veux parler avec quelqu'un, il n'y a personne en face. Je suis censée avoir un colocataire, des amis, des potes, des connaissances et je me sens juste terriblement seule.

    - Arrête !

    - Non !" Elle criait à présent, debout face à son écran. Sa chaise était renversée au sol. Ses poumons se soulevaient bien trop rapidement et sa poitrine n'était que douleur. "Non, je n'arrête pas. J'ai mal, putain ! Et personne ne s'en rends compte !"

    Elle balaya son clavier de la main créant une dissonance et coupant brutalement la conversation. Des larmes perlèrent à ses paupières et elle les laissa couler sans les retenir. Cela faisait des jours ou des semaines qu'elle se retenait et ce soir quelque chose en elle venait d'exploser. Elle n'était pas sûre de retourner sur le serveur demain, ni un autre jour d'ailleurs.


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